CHARLOTTE DAMIANO BOULLAND, étudiante à l'ÉBAF*, ancienne élève
Quel est votre parcours d’études ?
J’ai passé ma scolarité aux Chartreux, de la sixième à la terminale, où j’ai obtenu un baccalauréat littéraire, option grec ancien, en 2018. J'avais commencé le grec en cinquième, avec le regretté Monsieur Legin, et je l’ai étudié jusqu’en terminale. Monsieur Missol-Legoux en seconde, Monsieur Bès en première et terminale, m’ont véritablement transmis leur passion pour les langues ‘mortes’, et ce sont eux qui m’ont donné envie de devenir archéologue. En seconde, j’avais réalisé mon stage de découverte au sein du Service archéologique de la Ville de Lyon, et ma vocation était lancée. Un stage de fouilles avant mon entrée en licence m’a permis de m’assurer que je me lançais dans des études qui me plaisaient vraiment.
Mon parcours est, finalement, assez linéaire, sans trop d’embûches. J’ai suivi une licence d’Histoire de l’art et d’Archéologie à Sorbonne Université, faculté de Lettres à Paris, et je me suis spécialisée en archéologie en troisième année de licence.
J’ai poursuivi mon parcours académique en écrivant, toujours à La Sorbonne, mon mémoire de master, en me concentrant sur l’archéologie proche-orientale. Mon mémoire m’a permis de travailler sur la naissance de la ville en Mésopotamie, et plus spécifiquement sur la transition des sociétés villageoises à urbaines entre les 5è et le 3è millénaires avant notre ère. J’ai soutenu ce mémoire en septembre 2023, pour lequel j’ai reçu les félicitations du Jury.
Je suis cette année boursière de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de Paris, et je poursuis mes études d’archéologie à l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem. C’est une expérience vraiment enrichissante, dans un cadre d'étude incroyable : c’est une école tenue par des pères dominicains, rattachée à un couvent, et par lequel sont passés bon nombre d’archéologues et biblistes reconnus du monde universitaire. Cette année dans la ville trois fois sainte est une belle occasion de me recentrer sur mes études, sur mon avenir, et est emplie de très belles rencontres. J’y ai même retrouvé une ancienne khâgneuse des Chartreux (Mlle Charlotte Desachy), qui est volontaire pour la communication de l’ÉBAF*, et nous sommes devenues de vraies amies.
Tout en rédigeant un second mémoire pour l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, je prépare un projet de thèse pour l’année prochaine sur les sociétés villageoises du sud mésopotamien. Je la réaliserai sous la direction d’un professeur de Sorbonne Université, Monsieur Benjamin Mutin, et d’un chercheur du CNRS, Monsieur Johnny Samuele Baldi.
J’ai même repris le grec ancien, à l’institut Polis, qui enseigne les langues mortes comme des langues vivantes : trois heures par semaine, le professeur ne nous parle qu’en grec ancien ! Cette méthode est terriblement efficace, très pédagogique et didactique. Le grec ne m’a jamais paru aussi vivant !
*École Biblique et Archéologique Française
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué aux Chartreux ?
Question difficile ! Beaucoup de choses ont marqué ma scolarité, comme les correspondances avec le collège Saint-Georges de Zalka au Liban, Mokattam et les bracelets oranges (dont un m’accompagne aujourd'hui encore à Jérusalem ! ), ou encore les week-ends pastoraux et les retraites. Ces moments hors cadre « scolaire » étaient vraiment précieux, et j’en garde un souvenir vivant : il est toujours amusant de se remémorer Monsieur Beugras à ski !
Sur une note plus sérieuse, je garde une admiration particulière pour la qualité de l’enseignement, en particulier la patience et la passion de mes professeurs. À l’aube de ma thèse, je me prépare à devenir enseignant-chercheur, et leur souvenir me pousse à m’inspirer de cette même passion pour la transmettre, à mon tour, aux étudiants de licence. Je ne saurai assez les remercier pour la ferveur avec laquelle ils enseignaient, en particulier mes professeurs de français et de grec.
Quelles valeurs avez-vous retenues ?
D’abord, l’exigence du travail qui nous est demandée. Il est vrai que le niveau des Chartreux est élevé mais, avec le recul de mes années à l’université, je me suis aperçu que cette « exigence Chartreux » était pour quelque chose dans ma réussite en licence et en master. Dès la première année de licence, j’ai mis en pratique la rigueur cultivée pendant sept années aux Chartreux. À l’université, on est livré à soi-même et, dans des promotions de deux ou trois cents étudiants, il faut savoir se démarquer ; une seule solution pour cela : le travail. Les Chartreux m’en ont appris la valeur, celle de la rigueur personnelle également. Sans elles les partiels de licence m’auraient parus insurmontables. Ils étaient même assez simples finalement, comparé au niveau auquel j’étais habituée aux Chartreux !
Au-delà de la sphère académique, je dois évidemment mentionner les valeurs humaines et les rapports qui se créent au collège et au lycée. J’y ai forgé mes amitiés les plus durables et les plus fiables. Même si, à l’entrée dans les études, elles s'éloignent géographiquement, les vraies amitiés perdurent. Les valeurs de respect et de solidarité sont fondamentales et très prégnantes aux Chartreux : elles m’accompagnent aujourd'hui encore dans mes amitiés nouvelles.
Quels conseils donneriez-vous ?
N’hésitez pas dans votre vocation, quelle qu’elle soit ! Dans mon cas, l’archéologie est une discipline difficile, qui offre très peu de débouchés professionnels, et la compétition dans le monde universitaire est rude. Mais je travaille avec passion, inlassablement, et les résultats d’un dur labeur sont toujours payants. N’ayez pas peur de vous lancer dans la voie qui vous correspond, au risque de ne pas répondre aux attentes ou de rencontrer des obstacles. C’est en accord avec vos passions, vos valeurs et vos aspirations que vous trouverez le plus grand épanouissement.
Cependant, je suis consciente d’avoir été chanceuse en trouvant ma voie dès la seconde. Ce n’est pas le cas de tous, et le doute est normal, surtout au lycée où le futur paraît vertigineux, et cela se poursuit tout au long des études ! Mais il faut savoir s’entourer de professionnels qui nous encouragent et nous poussent à nous dépasser, et multiplier les stages. Cela peut paraître assez évident, mais les stages pratiques permettent de se rendre vraiment compte de la réalité professionnelle et de créer des relations très utiles pour l’avenir.
En résumé, une phrase de Confucius m’accompagne au quotidien et résume mon propos : « Choisissez un travail que vous aimez, et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie » !
« Je prépare un projet de thèse sous la direction d’un professeur de Sorbonne Université, Monsieur Benjamin Mutin, et d’un chercheur du CNRS, Monsieur Johnny Samuele Baldi. »©Ziegler 1953
Motifs peints sur céramique – période de l’Obeid ancien
Ces motifs peints que l’on retrouve sur la céramique issue de l’une des phases de l'Obeid ancien (entre 7000 et 5000 avant notre ère), à savoir la phase de Hajji Muhammad, constituent le thème principal de ma thèse.
Mon travail consistera à réévaluer les céramiques qui portent ce genre de décor, afin de savoir si oui, ou non, ce matériel appartient à la période d’Obeid. En résumé, cela permettra de mieux comprendre les répartitions des populations dans le sud mésopotamien, et les échanges entre les différentes sociétés qui ont coexisté sur un même territoire, ainsi que les influences des unes sur les autres.
Ces motifs très anciens ne sont que quelques exemples : il faut compter une centaine de variantes de ces motifs géométriques.Maison du début de l’Obeid
Cette photographie est issue de la mission archéologique française de Larsa - ‘Oueili. et illustre le paysage qui sera le sujet de mon travail. Tell el-‘Oueili est un site dont le matériel correspond aux débuts de la période d’Obeid.
Ce sont des grandes plaines arides, où passent des petits cours d’eau, et où l’irrigation est nécessaire à toute forme de culture. Les seuls reliefs qui vallonnent ces plaines sont les installations humaines anciennes qui forment comme des « dos de tortue » : ainsi, on repère d’assez loin les sites archéologiques.
Au premier plan est une maison typique du début de l’Obeid. Ce sont des maisons très pratiques, dites « tripartites » : il y a une grande salle au milieu, et d’autres pièces s’y annexent sur les côtés. Ce sont des maisons faites pour des regroupements familiaux qui sont l’essence même de la société obeidienne : les villages s’organisent, globalement, autour de grandes familles. On s’installe dans l’une de ces maisons que l’on construit soi-même pour sa famille. L’avantage de ce type de plan est qu’il est modulable. Quand la famille s’agrandit, on rajoute une pièce sur le côté ou l’on construit un étage supplémentaire. Sur la photographie, nous retrouvons les fondations d’une de ces maisons avec les pieds de piliers qui peuvent, en effet, supporter des poutres en bois pour un étage.

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